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histoires de voir
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27 octobre 2006

Vieilles pierres et vieux coucous

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     Nous nous sentons bien à Huaraz. Nous aimons son ambiance de petite ville, son écrin de montagnes enneigées qui explosent dans le ciel bleu, son micro-cinéma où un jeune américain entretient la flamme de la cinéphilie et où nous avons vu "Fitzcarraldo", ses défilés incessants de tout ce que la ville compte de paroisses ou d'écoles, des défilés animés par des fanfares qui semblent toujours jouer le même air.

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      La musique est plus que présente ici. Elle est dans les bus, dans la rue, dans les cafés avec deux "hits" inattendus : la "Lambada" et "El Condor pasa" mis à toutes les sauces, à tous les rythmes. Dans le domaine, celui de l'image, la figure récurrente est celle du Che que nombre de taxis et moto-taxis arborent sans autre slogan.

     Nous commençons à avoir nos petites habitudes aussi : le resto végétarien qui, pour 4 soles (1€), nous procure la ration de légumes et de laitages qui fait défaut au régime péruvien courant, le cybercafé où nous passons de nombreuses heures à lire ou écrire notre courrier ou le blog, la "jugueria" ou nous venons prendre des petits déjeuners à base de jus ou salades de fruits, de yaourts et de galettes de maïs. Le mate de coca fait aussi partie de nos boissons favorites, mais il est difficile d'en trouver servi sous forme de décoction de feuilles. Les cafés et restos préférant se simplifier la vie avec les traditionnelles infusettes.

     C'est bien beau tout ça, mais on a aussi envie d'aller fourrer notre nez dans d'autres coins et il va falloir penser à bouger.

     Mais avant, il nous reste deux choses très importantes à faire.

      La première, c'est d'aller à Chancos. Là, on s'installe, seul ou à deux, dans de petites grottes qui s'enfoncent dans la falaise. Une eau chargée de soufre suinte de la roche et fait régner dans la grotte une température de 50º. On transpire, on se détend, on se fait du bien. Les péruviens y viennent en nombre car c'est, semble-t-il, là encore, une tradition ancestrale.

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     Les bains d'accord, mais ils adorent aussi se faire photographier et se prêtent volontiers au jeu pour nous laisser un souvenir. 

      La seconde, c'est de visiter Chavin. On avait pensé le faire dans le cadre d'un trek avec lamas et tout, et tout, mais finalement on se contentera d'une excursion d'une journée.

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      Eh oui ! C'est bien joli de gambader dans les cîmes, mais de temps en temps, il faut bien se demander, et puis aller voir, ce qui nous a attiré là dans cet endroit du monde. Chavin, c'est le nom d'un site archéologique pas gigantesque, plutôt modeste, caché dans la montagne à trois heures de bus environ de Huaraz. C'est surtout le nom d'une "culture", un nom tiré d'un mot quechua qui signifie "le centre". Belle image parce qu'il s'agit justement d'un centre philosophique et religieux, d'un sanctuaire, d'un foyer culturel autant que d'un véritable état. Chavin, qui, à son apogée, a rayonné sur toutes les Andes centrales, entre 800 et 300 avant JC, c'est à la fois la synthèse de tout ce à quoi les civilisations andines avaient abouti comme niveau de développement culturel , et la matrice des civilisations qui viendront  ensuite, celles de waris, des  nazcas, des moches, des chimus, jusqu'aux incas. Les historiens considèrent que le degré de civilisation qui avait été atteint à l'époque dans cette région du monde  est comparable à celui de la vallée du Gange, de la Chine, ou de l'Egypte des Pharaons. Un symbôle très fort au Pérou.

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      Lauro, notre guide, est enthousiaste: Chavin, selon lui, représente une époque de paix. On a bien envie de le croire, mais au fil de la visite, il est quand même question, une fois de plus de sacrifices humains et d'une société qui ne se résume pas à une "culture"; il y avait malgré tout un état plus ou moins structuré et gouverné par les prêtres.

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     Lauro prend des poses dignes d'un comédien pour nous expliquer l'étendue des connaissances des hommes de Chavin en mathématiques, en astronomie, en géométrie, en architecture. Le 7 et ses multiples sont partout, affirme-t-il, dans les dimensions de la place carré principale (49 mètres de côté), les 7 coupes creusées dans une dalle de pierre à la signification obscure (sacrifices humains, dépôt d'offrandes, observations astronomiques), ou les 56 têtes qui constituent des clés de voûte tout autour de l'enceinte et qui sont des divinités protectrices.

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      Mais la dualité (jour/nuit, masculin/féminin, offrande/protection), composante essentielle de la vision du monde des peuples andins est également présente, en particulier dans une des portes d'accès au temple dont une partie était peinte en noir, l'autre en blanc pour symboliser le jour et la nuit.

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     Il y a 3000 ans, des pèlerins nombreux se réunissaient donc ici, sur cette place pour écouter les oracles des prêtres. Pour améliorer leurs performances divinatoires, ceux-ci tâtaient un peu (ou beaucoup ?) du "cactus de Saint Pierre", franchement hallucinogène. C'était aussi le moment pour les hommes de ce temps de faire des offrandes à leurs dieux. Ces dieux, ils représentaient par des figures hybrides, mi-hommes, mi-animaux. Pas n'importe quel animal, mais le félin, le condor, le serpent.

      D'où venaient-ils ? De près ou de très loin,  peut-être même de la forêt amazonienne, ce qui expliquerait la présence du jaguar et du serpent parmi les divinités.

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      Mais une bonne visite doit être mise en scène et c'est pourquoi celle-ci se termine par les galeries souterraines de Chavin (les chambres de méditation dit le guide) un réseau impressionnant, un dédale à la ventilation parfaite, dont l'élément le plus saisissant est le "Lanzon". Il s'agit d'un pilier sculpté en forme de dague, une représentation divine sur laquelle on a retrouvé des traces du sang des sacrifiés ! Les sacrifices avaient lieu juste au dessus, à l'extérieur, et un orifice avait été ménagé pour que le dieu puisse recevoir son offrande. Cerise sur le gateau, c'est aussi par là qu'une fois par an, le 21 juin, jour du solstice d'été, le soleil vient directement éclairer la pierre . Effet garanti !

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      Pendant le voyage de retour, une fois de plus, s'offre à nous ce spectacle hallucinant des pentes sur lesquelles les hommes viennent s'accrocher pour construire des terrasses et faire pousser quelques graines.

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      Le moment est venu et nous quittons Huaraz après presque trois semaines, en direction du Sud. Nous avons décidé de visiter Nazca et ses lignes avec un bref arrêt à Lima pour changer de bus.

      Lima n'a jamais vraiment fait partie de notre programme, et d'une manière générale, notre voyage a plutôt tendance à éviter les grandes villes. Il y aura sans doute Santiago du Chili, Valparaiso et Buenos Aires, mais guère plus. Malgré tout, il faut bien reconnaître que l'atmosphère de paranoïa qui règne autour de la capitale péruvienne ne nous a guère incités à nous montrer curieux ! "¡Cuidense, cuidense !" (Soyez prudents !) nous répète-t-on à tout bout de champ. Et c'est vrai que le vol est une pratique plus que courante à Lima où les touristes sont des cibles de choix ! Nos copains Agnès et Jeremy se sont fait voler leurs affaires à un feu rouge, dans le taxi où ils étaient, les voleurs n'ayant pas hésité à fracasser les vitres !

       Quand ce genre d'histoire t'arrives, plus de doute ! Tu as bien rejoint la célèbre Gringo Trail, la Piste de gringos, qui conduit touristes nord américains et européens de Lima à Cuzco, via Pisco (hips ! ch'est bon, cha !), Nazca (Pourquoi je les vois doubles, les lignes ?), Arequipa et le lac Titicaca.

       La visite de Lima (pour cette fois) se limitera donc à une visite du Museo de la Nacion, rébarbatif bloc de béton vue de l'extérieur mais qui est une ouverture magistrale sur les civilisations pré-colombiennes : les tissages explosent de couleurs, les poteries rivalisent d'habileté et d'humour, on reste béat devant la reproduction de la tombe du Seigneur de Sipan (un souverain du nord du pays) et la richesse des objets qui y ont été trouvés, des maquettes reconstituent les sites ou la vie quotidienne !

        A peine six heures de bus dans le désert côtier à longer des élevages de poulets industriels et voilà Nazca !

       Nous avons décidé de nous payer le survol des lignes et des dessins dans le désert. L'affaire se déroule dans un petit coucou du genre à te faire regretter d'avoir pris un petit déjeuner.

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       Nous sommes en compagnie de trois autres touristes, hollandais. Il y a un pilote aussi. Décollage, tout va bien. Tiens, un trou d'air ..! Oups..! Ah, les lignes. Où ça, à gauche? Non, à droite ! Là, regardez, dit le pilote, c'est l'araignée, "The spider, the spider !" On a rien vu... Virage sur l'aile. Ouh là là ! Maman ! V'là que ça penche dur ! Un des hollandais a le nez plongé dans un sac en papier. Ah oui, maintenant c'est bon, je l'ai vue (l'araignée, pas maman) !  Et d'une ! Dire qu'Oncle Charles a fait ça pendant quarante ans !

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        Une demi heure comme ça, à scruter serpent, colibri, chien, condor, astronaute (très rigolo), etc... On revient l'estomac révolté et les jambes en coton, mais content parce que ça vaut vraiment le coup. On a quand même vu une des merveilles du monde !

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Il y a un perroquet caché dans ce dessin. Qui saura le découvrir ?

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Là, c'est plus facile.

         Alors bien sûr, à ce point de notre récit, tous les subtils lecteurs de ce blog se posent la même question : c'est quoi ces lignes et ces dessins; est-ce qu'on SAIT depuis le temps qu'on étudie, qu'on réfléchit, qu'on survole; un moment on disait même que c'était une piste d'atterrissage pour extra-terrestres  ! Beh non ! Il semble que depuis un certain temps les scientifiques penchent pour un gigantesque calendrier astronomique, parce que ces civilisations étaient bien plus calées que nous dans ce domaine et qu'elles utilisaient ces connaissances pour mieux programmer les travaux agricoles. Quant aux dessins d'animaux, c'est un peu plus le mystère, mais ils n'ont pas forcément été faits à la même époque que les lignes. Un zodiaque ? Des divinités...?

         A part ça, la ville nous laisse une impression plutôt cool. Annie a une longue discution avec un groupe d'enfants venus lui demander ce qu'elle pensait de la Plaza de Armas de Nazca, et à qui elle donne des explications d'ordre géographique : l'Europe, l'Amérique, l'Atlantique, la Méditerranée, l'Espagne, la France, etc... Puis quand les enfants ont filé, elle recommence avec César, le flic moustachu chargé de la surveillance de la place (¡Cuidado, il y a des "ladrones"!) que le sujet intéresse beaucoup.

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Deuxième chance pour ceux qui ont mal vu parce qu'ils ont mal au coeur en avion !

        La nuit suivante, les transports Flores nous accueillent dans un de leurs bus aux fauteuils défoncés et difficilement inclinables. Dix heures plus tard, nous émergeons, hagards et fracassés à la gare routière d'Arequipa !

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À la prochaine !
 

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